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White Noise

Simone Decker

Du Dimanche 14 Février au Samedi 27 Mars 1999


Simone Decker réalise des installations qui intègrent volontiers le lieu dans lequel elles s’insèrent comme matériau à part entière de l’œuvre. Est-ce à dire pour autant que son travail relève d’une pratique de l’installation in situ interrogeant sans concession la fonction politique de l’insertion de l’art dans l’espace public ? La démarche de Simone Decker relève d’une approche à la fois plus formelle, plus intimiste et plus empirique de l’espace. L’artiste dont les matériaux de prédilection (scotch, chewing-gum, sacs en plastiques notamment) ont ceci en commun qu’ils constituent davantage des surfaces que des volumes compacts qualifie volontiers son mode d’intervention de pictural. La couleur, la surface et le trait sont rejoués hors du champ du tableau. En modifiant la déambulation, ses installations ramènent l’espace à l’échelle du corps humain – celui de l’artiste comme celui du visiteur. Le chewing-gum ou la colle des scotchs susceptibles de piéger le visteur introduisent un rapport tactile épidermique voire intime avec le corps et confèrent aux espaces ainsi aménagés une dimension organique. Pour finir, la simplicité des réalisations – trivialité des matériaux utilisés et exécution laborieuse fondée sur un geste répétitif – confère à l’oeuvre une dimension artisanale – qui n’est pas sans rappeler la démarche de certains artistes français du groupe Support(s) Surface(s). Il en résulte une pratique modeste ravalant l’art au rang de fabrication et une démarche valorisant le temps même de cette fabrication. Le travail de Simone Decker apparaît ainsi comme une double stratégie d’occupation du temps et de l’espace.

Avec en tout et pour tout 50 000 m de ruban adhésif multicolore large de 15 à 19 cm, Simone Decker réalise une sorte de labyrinthe informe. Sur le mode de la peinture moderniste all over, elle s’emploie à saturer non pas la surface mais l’espace de la Synagogue. L’intervention se veut légère. Il ne s’agit nullement d’alourdir mais, au contraire, d’alléger l’espace, de brouiller tout repère et toute perception hiérarchisée. Le haut de la Synagogue traditionnellement réservé aux femmes, le bas, aux hommes, et le fond, à l’espace liturgique, se confondent en un continuum indistinct et brouillent la perception de l’espace à la manière dont les réseaux de coulure de Pollock ou les surfaces aux limites incertaines de Rothko gênent une perception nette de la surface de la toile. En 1992, Langweilekerne (Noyau de l’ennui) un noyau de bois patiemment recouverts par un réseau de fils multicolores (l’un des rares objets réalisés par l’artiste) constituait comme une anticipation du travail mené avec White Noise. L’œuvre résultait du même principe de saturation par la couleur au moyen d’un geste minimal et répétitif. La petite dimension de l’objet rendait davantage patent le caractère solitaire de l’activité, traduisant éventuellement un sentiment de frustration vis-à-vis du vide qui s’imposait néanmoins autour de l’objet tandis que la peinture apparaissait comme refoulée sur elle-même.