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Jean-Pierre Bertrand

Du Mardi 4 Avril au Dimanche 16 Avril 1995


" L'acier a perdu sa forme - en particulier rigidité et l'orthogonalité du cadre - pour devenir bribes de matières, résidus sur le pourtour de la plate-forme où se trouvait l'arche d'alliance (1)." Ainsi Jean-Pierre Bertrand décrivait-il une partie de son exposition à la Synagogue en 1995, des monticules de matière acier, présentés sur deux tablettes, dans l'arche sainte ouverte pour l'occasion.

Le terme "décrire" ne convient pas exactement : les oeuvres de Jean-Pierre Bertrand - qui a représenté la France à la Biennale de Venise en 1999 - fonctionnnent sur l'évocation, la métaphore, la luminosité, la magie et le recueillement, comme ses récentes séries denéon (Pale incision, Green agreement) ou ses Peintures plasmiques. Elles sont chiffrées. Si William Burroughs était obsédé par le nombre 23, Jean-Pierre Bertrand a élu quant à lui, et pour d'autres raisons, le 54 (2), omniprésent dans ses oeuvres. Et il n'ya pas jusqu'aux titres qu'il choisit qui n'obéissent à la construction d'un mystère, avec tout ce que le mot implique de recueillement poétique, comme La totalité des citrons ou bien plus récemment Consubstantiellement ou l'instant unique (2004, Musée Picasso, Antibes), Cinquante-quatre lettres bleues ne viendront pas à bout du verbe, (Galerie des Ponchettes, Nice) ou  In Search of the Miraculous (2005, Le Quartier, Quimper). Les oeuvres de l'artiste ont une composition rigoureuse, qui tient autant de la magie que des mathématiques. Et l'encodage de son travail implique toujours des éléments précis et récurrents, que sont le sel, le miel et le citron, éléments à la fois symboliques (le minéral, l'animal, le végétal) et bien réels dans leur matérialité : la syntaxe et le lexique sont donc volontairement pauvres, et la ligne esthétique austère.

Une question récurrente face à l'intervention d'artistes dans un lieu hautement symbolique consiste à se demander s'il faut utiliser ou mettre de côté la dimension historique de l'architecture. La 4e Biennales de Berlin Of Mice and Men en 2006 fonctionnait ainsi totalement sur son rapport ambigu au passé, entre ultra-réalisme et entertainment dans le quartier historiquement chargé qui entoure Auguststrasse à Berlin Mitte. De la même manière, exposer dans un synagogue se prête particulièrement aux associations mystiques ou aux commentaires historiques. Néanmoins, Jean-Pierre Bertrand a fait preuve d'une forme de radicalité par rapport au lieu avec une inetervention minimale dans l'espace : poudre métallique dans l'arche dont les battants étaient restés ouverts, citrons posés sur une table à l'entrée, et papiers de sel sur tous les rebords des fenêtres. C'est peut-être parce qu'il est l'in de ces artistes solitaires et extravagants, dont l'oeuvre explore secrètement, et jusqu'à épuisement un vocabulaire très personnel. À l'écart de l'histoire collective, il a fait le choix du retrait et de la discrétion dans son intervention.

 

(1) Communiqué de presse de l'exposition au CAC Delme

(2) Ce chiffre désigne dans la tradition hébraïque la notion d'image et surtout l'Alliance. Il l'inverse parfois en son miroir, le 45.