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Orla Barry - Delphine Bedel - Sylvie Eyberg

Du Samedi 8 Juillet au Samedi 19 Août 1995


Présentée en 1995 à la Synagogue de Delme, cette exposition collective propose un regard singulier sur la jeune scène artistique féminine belge tournée incontestablement vers une lecture du monde quotidien et intime, à partir d’une réappropriation des images qui nous gouvernent.

Empruntant la matière de sa réflexion à sa langue maternelle et à sa culture irlandaise, toutes deux mises à l’épreuve de l’expatriation de l’artiste, Orla Barry en questionne les symboles et coutumes au travers d’une prose poétique qui l’inscrit dans la tradition irlandaise de l’art de raconter ; héritage sensible de ses compatriotes James Joyce et James Coleman.

Avec une naïveté enfantine, mêlée de la lucidité d’une adulte, elle déroule le fil de nos vies banales, de nos « vies minuscules » à travers le biais d’éléments bruts récoltés au quotidien et assemblés comme autant de langages qui s’entrechoquent. Maniant les genres comme le portrait, le monologue, la nouvelle, elle alimente son travail d’une savante combinaison de faits biographiques et fictionnels, mêlant les réflexions fortuites et les extraits de textes philosophiques sous la forme de journaux intimes d’un nouveau genre, convoquant la vidéo, l’écrit, le son et les objets. Le lien singulier qu’elle établit au groupe social, au clan, à la famille, la rattache également à un champ d’investigation cher à l’art contemporain des années 90 où la sphère privée, l’intime sont approchés de manière directe, sans ambages ni consensus, et viennent appuyer le rôle de la mémoire individuelle dans la perception des oeuvres.

Si l’architecture et l’urbanisme constituent les sujets de prédilection de Delphine Bedel, c’est à travers le prisme du loisir et l’évocation du temps libre (centres commerciaux, parcs de divertissement, complexes culturels…) qu’elle puise l’essentiel de son inspiration. En écho aux théories du philosophe flamand Lieven de Cauter, l’artiste démontre au travers de ses films, vidéos et montages sonores comment la ville se mue en véritable scène de théâtre sur laquelle le citadin devient tour à tour et parfois malgré lui, un acteur et un spectateur de l’accomplissement des rituels sociaux et collectifs. Le langage et la narration constituent une autre entrée dans le travail de Delphine Bedel. Tel un Perec parcourant les rues, elle collecte presque sans but, les noms disparates qu’elle déchiffre sur les vitrines, les plaques de rues et autres graffitis.

L’exposition de la Synagogue de Delme représente une étape singulière de ce travail tourné vers le jeu et la société du spectacle : les cartes à jouer agrandies au format traditionnel du portrait, présentent étrangement leur revers (de fortune), leur face cachée, comme métaphore de possibles dérives addictives.

Puisant son vocabulaire dans les magazines qu’elle découpe et dans les « collections » ou « compilations » qu’elle confectionne et conserve précieusement dans un cahier-ressource, Sylvie Eyberg s’impose comme une artiste de composition. Maniant l’agrandissement, le cadrage, accentuant la trame d’impression et revendiquant la citation, elle développe une démarche. Qui s’apparente à une monteuse de film : elle coupe, elle assemble, elle associe, elle façonne et ajuste la matière non pour élaborer un univers onirique ou fantasmé, davantage pour révéler et accentuer les traits et caractéristiques d’un monde bien réel.

Dans ses œuvres-écrans, aux dimensions variables, elle porte une attention singulière aux mains et aux visages que, tour à tour, elle détourne, cache ou exhibe de manière partielle, parvenant malgré cela à rendre perceptible le regard et la présence des individus, le signe de leur humanité.