Aurélien Potier est un artiste sans médium de prédilection. Il n’est ni poète, ni dessinateur, ni sculpteur, ni performeur… Il est tout cela en même temps. Son art consiste à naviguer dans le vide de ce qu’il n’est pas et dans le plein qui le caractérise en tant que corps, dans le monde en général et dans l’espace d’exposition en particulier. Ces pleins et ces vides, caractérisant le monde environnant auquel il est connecté, existent également au sein de nos structures corporelles, de nos bouches, et de nos divers orifices. Autant de zones par lesquelles le monde peut pénétrer plus ou moins douloureusement ou voluptueusement. Par lesquelles lui-même se vide.

Son travail d’écriture lui permet d’établir des liaisons avec un environnement donné (celui d’une page, mais aussi d’un espace d’exposition), en évacuant avec agitation, anxiété ou douceur ce qui taraude l’esprit. Il reflète les pressions extérieures et intérieures endurées par l’artiste dans un style haché et haletant, sans réduire cette relation au monde à une violence perpétuelle. Ce langage met en lumière une certaine crise existentielle capable de générer une force créative nécessaire. Aurélien Potier baigne ainsi dans une inextricable contradiction, celle que nous impose notre temps et à laquelle il tente de donner forme.

Ses dessins donnent corps à des êtres affectés par des situations de balbutiements, tendant parfois au grotesque. Souvent déformés, ils sont à la fois lascifs et bosselés, éructants. La lisière entre le dessin et l’écriture est complètement poreuse chez l’artiste qui ne cherche pas à les différencier. Ses poèmes écrits à la main sont si illisibles qu’ils deviennent des dessins abstraits, ouvertement impénétrables. Seuls ses poèmes tapuscrits se laissent lire pour interagir avec son monde intérieur, le reste n’est que vide et spéculation. Aussi, le trait navigue, plus au moins formé, plus ou moins linéaire et sort parfois du mur pour se répandre dans l’espace via des câbles métalliques fins et soutenus par des crochets acérés, formant des boucles qui s’épuisent jusqu’au sol, subissant l’attraction terrestre. Le dessin devient sculpture sans vraiment y parvenir car Aurélien Potier ne cherche pas à remplir durablement l’espace, ni à y imposer une forme mais, encore une fois, à y naviguer, en affirmant par là la nature éphémère et instable des choses et des corps. Ses performances viennent subtilement confirmer cette approche de l’espace, dans lequel l’artiste s’installe lui-même très simplement, accompagné d’un dispositif technique amplifiant sa voix, qui devient la matière du travail, en pénétrant l’esprit et les corps de son audience.

L’art d’Aurélien Potier cherche par là le moyen d’incarner des notions complexes, telles que la relation corps/esprit de même qu’un certain rapport avec la terre et le paysage. Ces rapports, existant sans images, questionnent profondément l’artiste se demandant constamment comment se déplacer, où aller, comment se relier à son environnement. Soucieux d’une écologie des rapports corps/environnements, son art donne forme à des interrogations aussi constructives que mélancoliques, l’aspect sombre de ses œuvres n’étant pas incompatible avec une vision optimiste du futur. Son passage à Lindre-Basse s’élabore comme l’occasion de nourrir ses réflexions sur le corps-paysage et d’approfondir sa relation à la géologie, à sa fascination pour l’obscurité des cavernes, métaphore de l’intérieur du corps, mais aussi comme lieu qui recrache et se vide.

Le programme de résidence d’artistes est organisé en collaboration avec le Parc Naturel Régional de Lorraine et la commune de Lindre-Basse.