Si le travail de Benjamin Hugard passe par la photographie, ce n’est pas tant le medium en tant que tel qui détermine sa pratique qu’un intérêt marqué « pour les expériences d'une altérité sociale, les procédures d'enquête, d'investigation, de collaboration, de témoignage... avec la volonté constante de se démarquer des normes de l'information médiatique. »

Benjamin Hugard met en place un processus de travail et de relation à son sujet qui est inscrit au cœur de l’image et démarque celle-ci d’une simple représentation du monde. Il place d’emblée le spectateur dans un rapport complexe aux images: au-delà de la séduction visuelle immédiate, une somme extrêmement dense d’échanges, de systèmes économiques, sociaux et culturels transparaît dans ses photographies.

Florian Pugnaire opère quant à lui dans le champ de la sculpture et du film. Les objets dont il se sert sont mis en scène, détournés, comprimés, toujours en lutte ou en mouvement. Expanded Crash est en ce sens emblématique puisqu’il s’agit d’une 2cv se rétractant sur elle-même très lentement, pendant 200 jours. La sculpture impose une échelle de temps qui excède les limites de l’exposition.

Par ailleurs, les objets manipulés sont souvent le résultat d’une somme de gestes qui alimentent en permanence le travail de Florian Pugnaire, notamment à travers son intérêt pour les sports de combat, où la chorégraphie n’est jamais loin. Le documentaire Komédya, réalisé en 2007, entremêle savamment la gestuelle du flamenco et celle d’un art martial originaire des Philippines et retrace à travers les gestes une histoire de la colonisation espagnole.

Les deux artistes proposent un projet à la croisée de leurs pratiques respectives et se penchent sur un dispositif de prise de vue d’un genre particulier : la voiture photographique qui répertorie pour Google l’ensemble des rues françaises. Cette voiture parcourt les villes et photographie à 360°, grâce à un appareil qui n’est pas sans rappeler les dispositifs de surveillance panoptiques propres aux architectures carcérales (imaginées par le philosophe Jeremy Bentham à la fin du XVIIIeme siècle).

« Nous travaillons à l’élaboration d’une édition papier et numérique autour du phénomène Google street view. Nous avons constaté grâce à google image que la voiture photographique était elle-même indexée dans un grand nombre de blogs. Nous nous sommes interrogés sur les motivations de ces photographes amateurs : l’aspect insolite du véhicule, le caractère architectural du dispositif, le principe de «l’arroseur arrosé»...

Nous proposons une collecte numérique de ces images volées, qui mettent en situation la « google car » dans le monde. Par l’accumulation de ces images, nous cherchons à appréhender les liens qui se tissent entre les systèmes de surveillance et la démocratisation des technologies de l’information et du savoir. »