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Glissements de la lumière sur la couleur...

Daniel Buren

Du Lundi 16 Juin au Dimanche 28 Septembre 1997


Connu du grand public pour ses interventions éphémères ou pérennes dans l’espace public souvent assorties de violentes polémiques[1], pour son utilisation récurrente du motif des bandes verticales rayées, voire pour ses mises en cause de l’institution muséale[2], Daniel Buren est par ailleurs identifié dès ses débuts, par le milieu de l’art, au courant de l’art conceptuel – en 1969, il est invité à l’exposition Konzept Art à Lerverkusen, en Allemagne, la première du genre. Assumant volontiers une pensée critique et réflexive sur son œuvre et sur l’art en général, Daniel Buren n’a cessé de préciser les enjeux de son propre travail. Il récuse ainsi l’importance rétrospective accordée par la critique au groupe BMPT (Buren, Mosset, Parmentier, Toroni)[3] et réaffirme constamment l’importance, à ses yeux, de la dimension visuelle et de la réalisation de l’œuvre (l’œuvre d’art n’existe pas en soi et le projet ne saurait se substituer à sa présentation) – aux antipodes de l’art conceptuel dont il rejette l’appellation. Pionnier de la pratique de l’installation in situ[4], il conçoit chacune de ses interventions spécifiquement pour le lieu dans lequel elle s’inscrit (musée, collection privée, institution ou espace publics). Il est sans doute l’un des artistes qui a poussé le plus loin dans ses œuvres comme dans ses écrits l’investigation sur la dimension contextuelle de l’art. L’articulation entre l’œuvre et le lieu est envisagée bien au-delà d’un simple rapport formel et implique une multiplicité de paramètres excédant le champ de l’histoire de l’art pensé comme autonome. « Kunst bleibt Politik » (l’art reste politique) inscrivait Daniel Buren invité à une exposition collective à Düsseldorf en 1974, dont une œuvre de Hans Haacke avait été bannie par la censure, en écho au titre de la manifestation « Kunst bleibt Kunst » (l’art reste l’art).

 

À Delme, Daniel Buren se défie d’une approche qui privilégie la vocation sacrée originelle du lieu et l’appréhende comme édifice de culte au détriment de son histoire récente – sa désaffection et reconversion en centre d’art. Sa fonction passée étant toutefois perceptible à travers sa structure architecturale, c’est par ce biais que l’artiste choisit d’aborder la Synagogue. La mise en peinture bicolore de l’espace (bleu et jaune) ainsi que l’application de rayures (bleues et blanches, jaunes et blanches) aux voussures révèle la complexité et la puissance de la structure architecturale du lieu dont le dépouillement extrême et la forte luminosité affirment par ailleurs le caractère unitaire. La puissance de l’institution religieuse et la complexité du corpus théologique s’incarnent dans la structure même des espaces et apparaît ainsi dans l’architecture du lieu telle qu’elle est perceptible aujourd’hui.

 

[1] Les deux plateaux, Cour du Palais Royal à Paris (1985-1986). Déplacement – jaillissement d’une fontaine, les autres, Place des Terreaux à Lyon (1994)

[2] Invité en 1971 au Guggenheim, Daniel Buren propose Peinture n°1, une toile rayée accrochée au centre de la spirale, une œuvre critique du primat du spectacle architectural sur les œuvres ; l’œuvre suscite une polémique virulente parmi les artistes exposants et ne sera finalement pas présentée. Invité en 1977 à participer à l’exposition inaugurale du Centre Pompidou en 1977, Daniel Buren place une quinzaine de drapeaux rayés sur des monuments parisiens visibles depuis le musée au moyen de lunettes télescopiques.

[3] Entre 1966 et 1967 les quatre artistes s’associent à l’occasion d’expositions et proposent un travail sur le degré zéro de la peinture et la répétition systématique. Chaque artiste a choisi un geste pictural minimal auquel il limite alors sa pratique (bandes verticales pour Buren, horizontale pour Parmentier, cercle pour Mosset et empreinte de pinceau pour Toroni).

[4] « Du travail in situ. Employée pour accompagner mon travail depuis une quinzaine d’années, cette locution ne veut pas dire seulement que le travail est situé ou en situation, mais que son rapport au lieu est aussi contraignant que ce qu’il implique lui-même pour le lieu dans lequel il se trouve […]. « In situ » veut dire enfin dans mon esprit qu’il y a un lien volontairement accepté entre le lieu d’accueil et le « travail » qui s’y fait, s’y présente et s’y expose. Ceci vaut pour mon travail sans aucune exception, ici et ailleurs depuis 1965. » in cat. expo. Daniel Buren mot à mot, éd. La Martinière, Centre Pompidou, 2002, I15.