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Kevin Desbouis

Du Mercredi 1 Septembre au Vendredi 10 Décembre 2021


Peut-être qu’il est effectivement possible de dire que la particularité de l’art de Kevin Desbouis est de ne pas en avoir. Mais ce serait là enfermer la démarche de l’artiste dans une catégorie qui, sans qu’il cherche pour autant à s’en défaire, ne correspondrait pas à ce qu’il tend à montrer. Car Kevin Desbouis n’incarne pas une attitude d’artiste critique de son milieu, qui tenterait de s’opposer frontalement à toute catégorisation, toute labellisation.  Simplement, sa démarche ne correspond pas vraiment à quoique ce soit de repérable, ce qui lui permet par ailleurs d’échapper avec style, délicatesse et douceur à toute récupération de ses gestes inconstants.

Il aime écrire des poèmes, dans des formes succinctes, parfois brutales, ou plus épisodiquement dans un style proche du Diary[1], évoquant des situations maladroites, pathétiques, frustrantes et moqueuses, reflets d’un monde usé, absurde et confus mais foisonnant de détails très inspirants pour les esprits créatifs y trouvant, comme lui, matière à composer les vers d’aujourd’hui. Sa prose s’élabore à partir d’infimes détails du réel, ceux du confort quotidien bon marché, de la publicité de mauvaise qualité, de la pornographie vintage à la patine séduisante, des fêtes familiales de zones pavillonnaires, de l’adolescence tardive et de ses plaisirs... Sans pour autant verser dans la condescendance ou le dégoût pour une société tirée vers le bas, baignant dans une médiocrité sans fond. Plus que de s’inspirer de ce type de sources, Kevin Desbouis leur confère une place bienveillante dans son cœur, et leur voue un intérêt sincère mêlé de tendresse. De ce travail d’écriture découlent, ou se construisent parallèlement, des assemblages d’objets populaires ou de consommation de masse, chinés ça et là sur les sites de ventes en ligne ou les brocantes. Choisis pour leur charge symbolique, ils sont installés tels quels dans l’espace d’exposition, parce qu’ils se suffisent à eux-mêmes et révèlent aux publics les sentiments de l’artiste sur son environnement, en s'y présentant souvent comme des symptômes témoignant d'activités ou de non-dits leur étant sous-jacents. Mais ces objets ainsi présentés n’indiquent pas un quelconque résultat suite à une recherche, et sont amenés à poursuivre leur existence ailleurs, dans d’autres contextes, s’ils ne mutent pas en autre chose. Car la pratique de plasticien de Kevin Desbouis n’aboutit pas dans l’exposition qui, dans sa prétendue finitude, ne convient pas à une approche considérant l’art comme entité active se développant dans le temps. Les modes tels que la circulation seront alors préférés à ceux de la station, la fugacité à l’enracinement, à l’instar des contenus qu’il glane sur le net et autres fluides lui permettant de glisser d’une réalité à une autre, de construire des atmosphères hybrides dans lesquelles se jouent les contrastes les plus inattendus. Cette fluidité permet également une adaptation à autrui, l’autre dont Kevin Desbouis ne cache pas son besoin dans son travail, opérant souvent par collaboration, partage de connaissances, compositions d’ouvrages à plusieurs, etc. Kevin Desbouis est un artiste ne cherchant pas prioritairement à apposer sa trace, mais plutôt le souffle de son passage, tel le souffle de sa voix qui a le don étrange de vous envelopper dans une sensation ouatée lorsqu’elle s’adresse à vous.

Dans le cadre de sa résidence à Lindre-Basse, l’artiste entend poursuivre son écriture polymorphe de scénarios inspirée des sources l’environnant. Le village de Lindre-Basse lui est apparu comme une zone à scénariser, dans laquelle injecter une dose d’imaginaire apportant une couche supplémentaire de réalité à un lieu chargé de vie. L'artiste s'associe ainsi à un certain H.C Palmer, basé aux États-Unis, en lui proposant d'installer dans l'espace public de Lindre-Basse une boîte aux lettres américaine lui permettant de diffuser - pour la première fois en France - sa poésie. A travers l'aspect insolite de cet objet étranger placé au cœur d'un village français, l'artiste cherche à établir un contact de type épistolaire avec les habitants, en y faisant expédier des traductions inédites des poèmes de H.C Palmer, le tout dans des enveloppes que les habitants et passants pourront ouvrir et lire, si leur curiosité les encourage à considérer la boîte et à se servir du contenu s'y trouvant. Entre boîte aux lettres incarnant la circulation et le partage des échanges intimes, et œuvre d'art dans l'espace public, cette boîte agira comme un espace de liaison entre les êtres, les esprits, connus ou inconnus des uns et des autres.


 

 

 

 

[1] Journal intime

 

 

 

 

Le programme de résidence d’artistes est organisé en collaboration avec le Parc Naturel Régional de Lorraine et la commune de Lindre-Basse.