La pratique artistique d’Arslane Smirnov penche vers le mélange des genres et des origines, des esthétiques et des références. Depuis son enfance rythmée de voyages et de changements culturels radicaux, passant d’une langue à l’autre et d’un climat à l’autre, ballotté entre les idéologies politiques, son regard d’artiste ne peut aujourd’hui faire fi de cette pléthore d’informations, quelque soit leur qualité esthétique qu’il préfère assumer avec humour et candeur.

Arslane Smirnov fait appel à de nombreux medium et techniques pour donner forme à la cartographie complexe se dessinant progressivement dans son esprit. Le dessin l’accompagne principalement en ce qu’il permet d’associer différentes réalités et de mettre à plat, sans hiérarchie, ses souvenirs proches ou lointains. Car ce sont majoritairement ses souvenirs qui viennent peupler ses créations, souvent représentés par des objets du quotidien (le statut affectif de l’objet est alors primordial), des gens qu’il a vu ou connu, et cela dans un style noir et blanc rapidement jeté, proche du fanzine ou des B.D. de contre-culture. Dans ce style parfois brut, ou d’une grande finesse, son inspiration puise dans différentes références culturelles allant de la télévision des années 90, aux jeux de rôle et vidéos jusqu’aux beaux arts et patrimoines culturels de l’histoire mondiale. Si son approche est évidemment autobiographique, l’artiste cherche à alléger la lourdeur émotionnelle  - souvent associée à ce genre - en la fictionnalisant au maximum. À travers ces « collages » de souvenirs, l’artiste pratique une forme de sociologie subjective ordonnant la complexité du monde et les contradictions vécues d’une culture à l’autre.

L’artiste a aussi recours à la confection de poupées, habitant souvent des décors aux allures de petits théâtres mettant en scène le fonctionnement du monde de l’art professionnel (les visites d’ateliers, le rituel du vernissage…). Il trouve par là les moyens d’aborder des sujets complexes où cohabitent concurrence et passion, plaisirs intellectuels et rudesse économique, avec humour sans pour autant minorer ces problèmes, alors bien réels pour tout artiste de notre époque. Bien que cocasses, les créations d’Arslane Smirnov laissent toujours perplexes, et questionnent les répercussions affectives de telles situations professionnelles sur les subjectivités.

Pour une personne ayant fait l’expérience de plus de quatre langues à différents moments de sa vie, l’écriture et le langage s’invitent comme une évidence dans son travail. Ses œuvres plastiques sont régulièrement associées à une série de textes, souvent performés avec humour et dérision, où certains de ses souvenirs refont surface. Les mots l’aident à construire une trame narrative fragmentée venant s’incorporer dans ses créations.

C’est ainsi que par le biais du jeu, de la blague, du souvenir et de la fantaisie, Arslane Smirnov évoque sans ambages les questions de classes sociales (et leurs difficiles ascensions), de représentations sociales, des identités, des origines et de l’enfance. L’artiste tente d’adopter et de retrouver son regard d’enfant comme point de départ à sa démarche avec toute la liberté qu’une telle approche peut apporter. Ses propositions narratives aux sources multiples laissent ainsi place aux affects et donnent libre cours à un rapport affectif au monde.

À l’occasion de sa résidence à Lindre-Basse, l’artiste souhaite s’appuyer sur la situation particulière de ce village de campagne pour se replonger dans ses souvenirs d’Algérie et de Russie, dans ce va-et-vient avec la France durant les années clés que furent les années 90 du point de vue économique, historique et géo-politique. Par ce retour, quoique passager, sur la construction de sa subjectivité,  Arslane Smirnov entend poursuivre cette quête des origines affectives pour penser leur coexistence dans le devenir actuel du monde.

Le programme de résidence d’artistes est organisé en collaboration avec le Parc Naturel Régional de Lorraine et la commune de Lindre-Basse.