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Dimitri Robert-Rimsky est né en pleine postmodernité, terreau de nombreux axes de recherches théoriques et formels qu’il a choisi d’approfondir dans sa pratique tels que les paysages virtuels et artificiels ou la circulation médiatique des images, qui sont aujourd’hui intensifiés par internet et sa version physique, la globalisation tentaculaire. À l’heure de l’Anthropocène et d’une prise de conscience globale sur les interactions entre entités humaines et non-humaines, Dimitri Robert-Rimsky articule ces théories postmodernes avec celles d’auteurs tels que Grégory Quenet ou Dipesh Chakrabarty qui ont pris parti de proposer des formes de réécritures de l’Histoire en la resituant dans un contexte environnemental élargi conceptualisé derrière le terme « Géohistoire », dans laquelle l’humanité n’est plus centrale mais inclue dans un tout.
Au fond, la base de son travail est on ne peut plus classique (voire romantique) à savoir l’observation d’une certaine construction mythologique de paysages « naturels » ou urbains, voire les deux à la fois, puisque son travail vidéo rappelle à quel point nature et construction architecturale fusionnent le plus souvent au sein d’ensembles fictionnels silencieux et dénués de réponses aux questions existentielles et pratiques les plus fondamentales : qui vit ici ? Pourquoi construire ces immeubles au milieu de cette végétation sauvage ? Quel lien avec la vie sociale ? Comment leurs habitants se rendent-ils à leur lieu de travail ? Ces paysages (des villes construites ex nihilo, sur des « déserts ») ne sont in fine que des abstractions aussi opaques que le verre fumé des villes nouvelles de la banlieue parisienne sur lesquels est venu glisser à plusieurs reprises l’objectif de la caméra de l’artiste, métaphore s’il en est de l’opacité informationnelle des médias à l’heure d’internet, des fake news et du mensonge politique généralisé. Aussi, l’artiste se questionne sur ce que l’on regarde réellement dans l’espace médiatique : sur quoi se concentrent le regard et la pensée, et comment l’individu se construit-il et interagit avec son environnement à partir de là ?
Les déserts sont aussi le sujet de nombreux travaux de l’artiste, et notamment ceux du Moyen-Orient très médiatisés ces dernières décennies. Aussi, Dimitri Robert-Rimsky remarque à quel point un désert irakien est picturalement semblable au désert américain (ayant auparavant façonné l’inconscient collectif mondial par le prisme des techniques cinématographiques et publicitaires) : tel un glissement de terrain, on passe d’une zone fictive de construction mentale à une autre ; tel un mouvement géologique dans un monde qui ne serait pas seulement tributaire des décisions politiques, mais aussi d’une réalité stratifiée et souterraine, de forces telluriques omniprésentes et omniscientes dont l’humanité ne saurait se soustraire.
Mais Dimitri Robert-Rimsky ne prend aucunement le parti de la ruine ici. Nulle mélancolie n’émane de son regard sur le paysage contemporain. Les chantiers de construction remplacent les vestiges d’anciennes civilisations désormais vouées à l’industrie touristique. Si l’artiste traque les villes nouvelles - où qu’elles se trouvent sur le globe -, c’est essentiellement pour l’espace de projection qu’elles mettent à disposition, une vaste surface dans laquelle une nouvelle humanité tente tant bien que mal de se construire, sur l’étrange base d’un monde en manque de repères quoique se conjuguant toujours au futur. Dans le cadre de sa résidence à Lindre-Basse, l’artiste souhaite prendre au sérieux l’expression « repolitiser le paysage », afin de rechercher, archiver, construire une iconographie qui s’inscrit dans cette « Géohistoire ». Un espace où le relief et la géologie ne servent plus de « cadre » à l’activité et aux conflits humains, mais sont des acteurs à part entière du récit qu’ils composent.
Le programme de résidence d’artistes est organisé en collaboration avec le Parc Naturel Régional de Lorraine et la commune de Lindre-Basse.