La pratique artistique de Valentine Franc prend forme dans la réalisation de courts-métrages intimistes, centrés sur des fragments de vie de jeunes personnages, en majorité féminins, en quête d’un potentiel absolu, sans que l’on sache exactement lequel. Son style, souvent évanescent et très minimal dans ses dialogues, les attitudes des acteurs comme dans le traitement des décors, rappelle ceux d’Eugène Green, Manoel de Oliveira ou encore Marguerite Duras, tout en étant très marqué par la lenteur du cinéma d’Asie de l’Est. Si Valentine Franc tente de pénétrer la psychologie de ses personnages, elle maintient un rapport de distance entre eux, mais aussi entre les personnages et le spectateur, grâce à des relations retenues quoique franches. Ses réalisations présentent des récits discontinus qui dépassent la temporalité même du film, laissant présager une suite quelque part, dans un espace-temps jamais défini. Aussi, ses films résistent à une forme de divertissement facile tout en puisant de temps en temps dans ce qui constitue aujourd’hui la culture médiatique néo-libérale : l’environnement luxueux mais discret de la suisse contemporaine, le voyage initiatique de la jeunesse occidentale dans des pays dit « exotiques », l’imagerie actuelle de la publicité et du clip ou encore la K-pop...
L’héroïne féminine, figure centrale dans son travail, n’est pas pour autant excessivement mise en lumière : elle demeure une présence fragile et flottante dans ses réalisations. Aussi Valentine Franc, invite-elle le spectateur à se questionner sur les fantasmes individuels et collectifs liés à la position de la femme dans l’histoire du cinéma, la manière dont les icônes féminines se sont construites et comment cet archétype reste toujours très présent de nos jours, bien qu’ayant fait l’objet de nombreux remaniements. Elle s’intéresse dès lors au genre du Woman’s film, dont le récit est centré sur l’univers d’une ou plusieurs femmes, ayant permis de les intégrer dans des scenarii dévolus principalement aux héros masculins jusqu’à la fin des années 1920. Explorant cette manne d’archives cinématographiques hétéronormées, Valentine Franc ne cherche pas à assoir un cinéma féministe militant mais se déplace avec curiosité dans la fabrication narrative du regard que tout un chacun a pu porter sur le genre féminin, aboutissant ainsi à sa normalisation.
Dans le cadre de sa résidence à Lindre-Basse, Valentine Franc a pour projet d’écrire une fiction autour d’une photographe fictive - inspirée par l’univers des artistes surréalistes telles que Claude Cahun, Remedios Varo, Leonora Carrington, Dorothea Tanning ou encore Leonor Fini, en quête d’inspiration dans l’atmosphère de l’étang de Lindre. Ce récit aura comme toile de fond le scenario du film américain La voleuse (1946), mettant en scène des jumelles (tourné avec une seule actrice), l’une plutôt garçonne, l’autre plutôt séductrice, dans tout ce que ce jeu de double peut avoir d’ambigüe et de déstabilisant. Elle tournera ensuite ce film entre l’étang de Lindre, l’observatoire à oiseaux et le château d’Alteville. Sa restitution de résidence lui permettra de présenter l’avancée de ses recherches et de projeter un film inédit récemment terminé.
Le programme de résidence d’artistes est organisé en collaboration avec le Parc Naturel Régional de Lorraine et la commune de Lindre-Basse.